Année 2000 

Parents déjà d’une petite fille de deux ans, nous accueillons notre deuxième bébé, une seconde fille qui fait la joie de tous. 

Année 2001 

Lors d’un voyage dans les Caraïbes, quelques jours après notre arrivée, un membre de ma famille me fait remarquer que j’ai au pied un naevus mélanocytaire plus communément appelé grain de beauté. Stupéfaite, je m’aperçois que je ne l’avais jamais vu. S’était-il développé à partir d’une simple petite tache brune ? Si oui, quand exactement ? Face à ces interrogations, dès mon retour dans l’Océan Indien, très rapidement j’ai pris un rendez-vous avec un dermatologue à l’Île de la Réunion. En quelques jours, l’évolution de ce grain de beauté au pied droit prit une telle ampleur que je commençais à avoir du mal à marcher. Arrivée au cabinet du dermatologue, face à ce naevus déjà fort dégradé, ce dernier me conseilla plutôt de voir rapidement un chirurgien plasticien. Installée à Mamoudzou à Mayotte depuis deux ans, je ne connaissais aucun chirurgien ayant une bonne renommée sur l’île. Dans l’urgence, le dermatologue m’a indiqué le chirurgien le plus proche de son cabinet. Sans rendez-vous, le docteur X accepta de m’examiner. Il prit dans sa main droite mon pied en me disant que cela pouvait très vite se propager sur l’ensemble de mon talon droit et qu’une intervention chirurgicale s’imposait. N’étant pas domiciliée à l’Île de la Réunion il me proposa de le revoir dans une semaine, le temps de mettre en place avec mon époux toutes les dispositions nécessaires pour nos deux jeunes enfants. 

De retour à l’Île de la Réunion une semaine plus tard, je fus opérée. Le docteur X après avoir enlevé le naevus a pratiqué dans la foulée une greffe de peau en prélevant dans l’aine de la jambe gauche des cellules pour combler le trou provoqué par l’intervention. L’opération ne s’est pas déroulée comme je l’espérais, car malgré la piqûre d’anesthésie faite au préalable, sans doute pas assez forte, je ressentis des douleurs atroces qui finirent par s’estomper après deux ou trois injections supplémentaires. La leçon à retenir est de se renseigner sur les chirurgiens plasticiens afin de faire le meilleur choix possible. Il importe que le patient ait confiance en ce dernier et que le chirurgien soit à son écoute afin que l’intervention puisse se dérouler dans les meilleures conditions possibles. 

Une semaine plus tard, j’ai pris connaissance des résultats de la biopsie. Je fus soulagée d’apprendre qu’il ne s’agissait que de la corne cutanée, donc bénin. Suite à cette intervention, je me suis imposée une visite annuelle chez mon dermatologue à l’île de la Réunion afin de surveiller l’évolution de la greffe mais également de faire examiner l’ensemble de mes grains de beauté. 

Année 2011 

Après de longues années passées à Nouméa en Nouvelle-Calédonie, mutation de mon époux à l’Île de la Réunion.

Février 2021 

Apparition de nouvelles petites taches brunes dont une très foncée autour de la greffe de 2001. Mon dermatologue pratiqua alors une biopsie, biopsie donnant le même résultat qu’en 2001 : de la corne cutanée. Un an plus tôt, en 2020 en pleine période du covid, un évènement majeur me dévasta : le décès de mon père. 

En dépit de ce bon résultat de la biopsie, peu de temps après l’état de ma greffe s’est complètement détérioré. 

Fallait-il voir ici un lien avec la disparition de mon père ayant provoqué en moi un choc émotionnel très violent ou est-ce un hasard ? 

Rapidement, ma greffe prit une couleur très noire, elle s’est mise à grossir, à suinter et à saigner. J’ai donc revu en urgence mon dermatologue qui me donna un premier traitement mais hélas sans succès. Par la suite un second traitement s’imposa, mais ce dernier fut également non concluant. Face à l’aspect suspect de la plaie devenue bourgeonnante, il me fit remarquer que cela pouvait se transformer en cancer de la peau donc en un mélanome. Il me conseilla vivement un bon spécialiste qui opta pour une biopsie qui ne pouvait se faire sous une semaine. Hélas celle-ci n’a pas pu se faire car pour des raisons familiales, je devais quitter la Réunion. Ce n’est que deux mois après que la biopsie ait eu lieu. 

A la lecture de ces phrases chacun pourrait se demander pourquoi n’ai-je pas annuler ce voyage au bénéfice de la biopsie. Était-ce de l’inconscience ou purement du déni ? Personnellement je ne puis répondre à cette question. 

Une semaine plus tard le chirurgien me fit part du résultat : il était sans appel, cette fois-ci il n’était plus question de simple corne cutanée mais d’un mélanome déjà à un stade avancé. Grâce à la bonne coordination de ce chirurgien, j’ai pu me faire opérer dans de très bonnes conditions au sein du CHU de Bellepierre par le Docteur Valenti , un chirurgien très compétent, très professionnel, très à l’écoute. 

Avant de pratiquer une seconde exérèse beaucoup plus élargie que la première, j’ai subi la technique du ganglion sentinelle dans l’aine de la jambe droite et le premier ganglion de la chaîne ganglionnaire s’est révélé sain. 

En amont, Le PET-scan avait montré la présence d’un petit nodule. Ce qui signifie que la tumeur primitive au pied droit avait migré. 

Fallait-il l’enlever lors de l’exérèse ? Je ne pense pas que cela aurait changé le cours de mon histoire. 

Trois mois et demi après, la taille du petit nodule avait doublé, retour au bloc opératoire pour l’enlever au plus vite. Pour le docteur Valenti, chirurgien plasticien du CHU de Bellepierre, l’exérèse du nodule à la jambe a été complexe car il n’a pas pu prendre une plus grande marge de sécurité lors de son geste technique. Le ganglion prélevé à la jambe droite était un ganglion métastatique donc un traitement adjuvant s’imposait. 

C’est alors que je fus dirigée au service onco-dermatologique du Docteur Scalbert Sadones Camille au CHOR qui, suite à un rendez-vous m’expliqua en quoi consistait le traitement adjuvant.

Point essentiel : A ce rendez-vous, il m’a paru important que mon époux soit présent car la maladie concerne aussi bien le patient que son entourage et mieux vaut deux écoutes qu’une, pour éviter toute interprétation erronée. 

Le Docteur Scalbert Sadones nous parla de l’immunothérapie, mot que je n’avais jamais entendu. C’est un traitement assez récent qui a révolutionné la médecine tant les résultats sont encourageants. D’ailleurs de nombreuses recherches se font continuellement pour améliorer encore et encore l’immunothérapie qui, au départ était réservée au traitement du mélanome. Depuis, l’immunothérapie s’est élargie à d’autres cancers tel que le cancer du poumon. 

L’immunothérapie a le vent en poupe et au fil des années, elle continuera à souligner davantage les prouesses de la médecine, véritable chance pour les malades du cancer de la peau en l’occurrence le mélanome. 

Lors de l’entretien avec le Docteur Scalbert, elle m’expliqua sans détour tous les effets secondaires mais aussi les bénéfices attendus de ce traitement. En amont de ce rendez-vous, pour ne rien oublier j’avais établi une liste de questions qui me taraudaient l’esprit mais auxquelles j’ai eu des réponses satisfaisantes. Mon époux lui a également posé quelques questions. 

Après ce rendez-vous qui nous a éclairés sur l’immunothérapie, elle nous fit visiter le plateau ambulatoire et nous présenta le personnel soignant très souriant et accueillant. 

En avril, j’ai débuté ma cure d’immunothérapie avec du nivolumab. Entourée à chaque cure de soignants très professionnels, toujours de bonne humeur, très à mon écoute, cela a contribué au bon déroulement de mes séances d’immunothérapie. Dans l’ensemble, j’ai eu une bonne tolérance au traitement. Ce n’est que bien plus tard qu’une dépigmentation de ma peau au visage et sur les avant-bras apparue, signe plutôt positif pour le corps médical. 

Avoir un mélanome, c’est comme faire le grand raid car même si on obtient de bons résultats, on peut vite désenchanter car des complications peuvent subvenir. Ce fut le cas pour moi. Après le ganglion à la jambe, une seconde migration s’est faite à la cuisse, donc retour au CHU de Bellepierre pour une énième intervention chirurgicale, sans surprise ce second ganglion était également métastatique. 

Fin d’année 2022, le PET-scan s’est révélé satisfaisant. Habituée aux rebondissements du mélanome, il n’y a pas eu de véritable joie de ma part, juste une satisfaction car si joie il y avait elle serait de très courte durée car en 2023, une troisième migration cette fois-ci a envahi le foie et les poumons. 

A noter que dès le début de la maladie, j’ai toujours gardé mon mental d’acier. A l’annonce de mon mélanome, trois mots me sont venus instantanément à l’esprit : l’écoute, l’acceptation, la résilience 

La maladie n’a jamais été pour moi une épreuve insurmontable mais une étape de ma vie. En accord avec l’hôpital Gustave Roussy à Villejuif, le Docteur Scalbert Sardones en qui j’ai une grande confiance me proposa une bithérapie nivolumab / ipilimumab en prenant soin de m’expliciter les bénéfices / risques de cette immunothérapie. Cette bithérapie à haute toxicité se fait en quatre injections intraveineuses, j’ai pu en faire trois car une inflammation au foie stoppa net le protocole. Au moment où j’écris mon histoire je suis au CHOR au service gastro-entérique où je suis entourée là encore de médecins et de soignants très compétents, très attentionnés, très souriants qui m’expliquent au fil des jours mes bilans sanguins, le traitement à prendre, qui me prodiguent de bons soins permettant au fil des jours de faire diminuer cette inflammation au foie.

Chacun vit sa maladie différemment, la vie est rythmée avec des hauts et des bas et ce, avec ou sans maladie. Si j’ai des conseils à donner à ceux et à celles qui sont confrontés comme moi au mélanome, je vous conseille d’accepter avec amour votre mélanome, d’avoir toujours un bon moral et ce, en toute circonstance, manger de façon équilibrée, bouger. Je ne vous demande pas d’être des sportifs de haut niveau, 30 à 40 minutes de marche par jour ou monter les escaliers sont deux options faisables à la portée de tous en respectant votre rythme. Si vous aimez comme moi la lecture, soyez à l’affût des articles ou émissions sur le mélanome qui pourront encore mieux vous éclairer sur votre maladie et vous verrez que cela facilitera grandement vos échanges avec votre médecin. N’oubliez surtout pas de vivre simplement auprès de vos proches et de vos amis. Le mélanome ne doit surtout pas entraver votre vie en vous rendant triste, aujourd’hui l’immunothérapie apporte de réelles chances de guérison. Toujours avoir à l’esprit que tout est possible dans la vie, restez donc positifs. Pour ma part, j’y crois dur comme fer. 

Je remercie le Docteur Scalbert Sardones Camille qui m’a motivée à écrire mon histoire. J’ai eu quelques hésitations mais elle m’a convaincue que ce récit pourrait apporter une aide aux autres patients. Cette idée m’a séduite, j’ai toujours été disponible pour les autres et d’une écoute réconfortante. 

Tous mes remerciements au Docteur Scalbert Sardones pour son grand professionnalisme, pour ses qualités humaines indéniables. Je tiens à souligner que sa mise en confiance a contribué au bon déroulement de mon traitement dans un climat de sérénité au sein de son service. 

Fait le 2 juin 2023 par une patiente atteinte du cancer de la peau qui n’a jamais perdu sa joie de vivre. 

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